lundi 19 septembre 2011

Droit d'auteur et fausses idées reçues

Contre tout avis démocratique et d'intérêt général, le conseil européen (composé des ministres de chaque pays membre de l'Union Européenne) a adopté l'extension des droits d'auteur.

Tentant d'en discuter autour de moi, je constate que certains ont du mal à comprendre que l'extension des droits présents, bloque sévèrement toute création future, car l'histoire montre que l'art se nourrit de l'art : la création se sert de l'existant pour en faire des créations dérivées, qui peuvent être tout aussi géniales que l'original, sinon plus.

Passons (pour l'instant) au dessus de cette première idée, pour arriver à l'idée reçue qui veut que l'extension des droits protégera nos "pauvres" auteurs, et permettra d'inciter à la création.

La Musique (oui.. la musique)

La rémunération des artistes en rapport avec leur droit d'auteur vers la fin de leur vie, sera essentiellement assuré par la SACEM. Étudions de près cette magnifique entité.

Cette société de droit privée en charge d'une mission publique, se doit répartir les droits d'auteur auprès de ses 100 000 sociétaires. Dans les faits, deux tiers d'entre eux ne touchent rien. Seulement 8,9% gagnent au dessus du smic et 2 000 au dessus de 15 000 € par an.

Quand vous adhérez à la SACEM, sachez que certains sociétaires sont plus égaux que d'autres. Il y a trois niveaux : membre de base, membre professionnel et membre définitif. Pour être membre professionel, il faut toucher au dessus d'une certaine somme de la part de la SACEM. Une autre barrière financière permet de passer membre définitif.

Alors que le membre de basse n'a qu'une voix, le membre professionnel en a 16. Le membre professionnel a aussi le privilège d'être averti des assemblées générales et de recevoir des bulletins de vote. Le membre de base doit se déplacer à Paris pour voter ; tout est fait pour le décourager à s'exprimer.

Le nombre de membre professionnel ou définitif est d'à peu près 2 500, à peu près le nombre de ceux qui touchent au dessus de 15 000€ ou plus par an : c'est logique puisqu'il faut un certain niveau de revenu de la part de la SACEM pour rentrer dans cercle privilégié des professionnels.

Le coût de l'adhésion à la SACEM est de 116 €, avec des critères de notoriété.

Il faut surtout noter que dans le E de SACEM, il y a les éditeurs. Ce sont eux qui ont la plus grosse part du gâteau (et qui changent rarement). La répartition étant opaque, mieux vaut ne pas critiquer la SACEM quand on est auteur ou compositeur. Comme elle est le seul organisme de collecte en France, les auteurs et les compositeurs n'ont pas d'autre choix.

Et encore, si vous faites partie des élus pour toucher le magot, il va de soi que vous avez beaucoup plus de revenus par ailleurs, grâce à votre succès, au travers de concerts par exemple. La SACEM ne vient qu'améliorer votre quotidien.

Comme elle aime à le raconter, la SACEM a été fondée par un auteur et un compositeur qui ont refusé de payer leur consommation dans un café qui jouait leur musique. Voilà ce que permet la SACEM : se payer un bière. Quand on s'appelle Johnny Hallyday, un concert au stade de France représente toute une vie de SACEM.

Mais en regardant la rémunération des hauts cadres de cette société, 235 millions d'euros par an en moyenne pour les cinq premiers dirigeants, on comprend mieux pour qui carbure la SACEM : avant tout pour elle-même. En l'absence de concurrence, elle aurait tord de se priver de taxer à fond les contributeurs.

Tarif qui dépend d'accord corporatiste, taxation sans fondement comme avec les cybercafé, et arrangement avec chaque corporation. Selon le fait qu'un cafetier appartiennent à un syndicat, un autre syndicat ou aucun syndicat, il paiera différemment. Les tarifs résultent plus de la connivence politique qu'une loi des marchés, ou d'une réelle utilité pour le commerçant.

L'allongement des droits d'auteur va inciter les éditeurs à se transformer en gestionnaire de catalogue, au lieu d'investir sur de nouveaux talents. En ressortant tous les vingt ans, les mêmes titres, mais avec des groupes différents, c'est le jack-pot assuré, et la mort de la créativité.

Mais le premier bénéficiaire est la SACEM, elle-même.

* A lire : ramener au nombre d'auditeurs Internet rapporte 9 fois plus qu'une radio, quoique tente de faire croire la SACEM et ses membres éditeurs.

Le cas des œuvres collectives

Parlons un peu du cas des journaux, des dictionnaires, des films, des jeux vidéos, séries télés, et cætera où les auteurs sont rémunérés au forfait. En effet, dans le cas des œuvres où chaque auteur n'a pas une contribution suffisante par rapport à l'ensemble de l’œuvre, l'auteur peut demander (et il est fortement incité par le producteur) à céder ses droits contre une rémunération forfaitaire.

C'est bien entendu le cas le plus courant. Bien évidemment c'est le producteur qui ramasse tout. Sans le producteur, pas d’œuvre : l'auteur est obligé d'accepter. Ces producteurs sont les premiers concernés par l'allongement des droits d'auteur. Comme souvent, une loi présentée comme étant censé protéger les petits (ici les auteurs), offre des avantages énorme à des gros, déjà trop gros (les majors du cinéma, du disque, des éditions, etc).

N'oublions pas aussi, les auteurs en sous-main (les nègres). Le système avantage tellement les auteurs, que certains grands noms se font écrire leur livre par quelqu'un d'autre. Là encore, il y a un échange : sans la réputation du faux auteur, le livre n'a aucune chance de se vendre. En contre-partie, le véritable auteur est rémunéré au forfait. Hommes politique, vedettes de la télévision sont des abonnés réguliers à cette mascarade, pourtant interdite par la loi. N'ayant pas le temps ou le talent, ils seraient bien incapable de pondre la moindre ligne intéressante.

* Le rapport de l'ADAMI où on apprend que les artistes interprètes sont payés au forfait après renoncement des royalties, à un salaire inférieur au SMIC

Cinéma

Parfois, le producteur peut faire miroiter des gains au travers des royalties, s'il veut payer très peu l'un des acteur, le réalisateur, le scénariste, ou tout autre contributeur à l’œuvre finale.

Comme le montre le cas récent de Harry Potter et l'Ordre du phoenix, les société de production se facturent à elle-même des frais suffisamment élevés pour que personne d'autre ne puisse toucher de royalties.

Vous avez signé des royalties sur les bénéfices nets du film : vous vous êtes fait avoir !

L'allongement des droits d'auteur ne va profiter qu'à ces sociétés, mais jamais aux auteurs.

Livre

La rémunération au forfait d'un seul auteur est strictement interdit par la loi. A la place, les éditeurs vous verse un "à-valoir" c'est à dire une avance sur les royalties ; royalties qui sont à 7% du prix de vente hors taxe du livre. Une avance de 2 000 € pour un livre vendu à 15 € TTC, représente 2 000 exemplaires vendus, ce qui représente pour les livres, une excellente vente.

A noter : j'ai pris le taux que la profession met en avant : 7%. La réalité semble plutôt être à 3% ou moins pour un auteur débutant en dehors des grands éditeurs.

Moyennant quelques subterfuges, vous ne verrez jamais vos royalties, mais au moins le "à valoir" est bel et bien dans la poche de l'auteur, car il est non remboursable. Quels sont les subterfuges ? Les mêmes que dans la musique ou les films : la facturation abusive de services (promotion, photo de couverture, vidéo-clip pour la musique, frais de destruction des invendus, frais de stockage, etc), et le non comptage de 10% des livres, qui sont soit-disant offerts à la presse (on peut imaginer, qu'ils sont aussi offerts aux libraires pour la promotion). Même si les lois récentes obligent les éditeurs à fournir les chiffres des ventes, personne ne les contrôle.

Comme toujours, dans l'industrie du divertissement, le nombre d'élu est très réduit, mais gagne beaucoup.

* rapport de la SCAM commenté
* Les pratiques à la limite de la légalité de certains éditeurs
* Ce que gagnent les auteurs

Très peu d'élus pour beaucoup de succès

Dans l'industrie du divertissement et des média de masse, le gagnant remporte souvent tout. Internet est là pour ramener la culture de niche, et de la diversité. Il est maintenant rentable de viser un noyau dur de fans (comme le fait Marc-Édouard Nabe, dont voici le site de vente et d' "anti-édition" comme il veut qu'on le dise).

Mais encore, nous avons vu que ce sont les gros producteurs qui touchent le plus. Le système "droit d'auteur" censé protéger l'auteur, a été largement détourné pour les profits des majors, sur le dos des auteurs. Encore une fois, Internet est là pour bouleverser l'ordre établi en permettant aux auteurs de se passer d'intermédiaires avec son public. (Médiapart, Arrêt sur Image sont autant d'exemples qui s'ajoutent à Marc-Édouard Nabe)

Si le droit d'auteur, tout comme le système des brevets, incite à la création et à l'innovation, un système qui protège sur une trop longue durée, va au contraire bloquer les créations futures. Une invention, se basse toujours sur des technologies existantes pour les améliorer. Les anciennes œuvres doivent rentrer dans le panthéon du domaine public, pour pouvoir être utilisé librement comme une base culturelle commune.

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