mercredi 23 novembre 2011

Effet multiplicateur du crédit et inflation

Dans deux de mes précédents articles j'ai parlé du rôle de la banque centrale dans le maintien de l'inflation et de l'effet multiplicateur du crédit.

Sur internet vous trouverez de nombreux articles vous expliquant comment les crédits donnent l'impression de créer de la monnaie (par exemple sur rue89), et comment la banque centrale limite cette création monétaire. Cette impression de création monétaire est en fait nommé "effet multiplicateur du crédit". La BCE limite cet effet au moyen des réserves obligatoires.

D'un autre côté, la BCE a pour mission de maintenir un taux d'inflation (le plus proche de 2%, mais toujours inférieur). Le moyen qui a été choisi est d'augmenter la masse monétaire. Car selon les théories monétaristes, la quantité d'argent disponible, influence l'inflation.

Pour augmenter de manière "juste" la masse monétaire, la BCE rémunère les réserves obligatoires. Mais est-ce suffisant ?

Étudions l'effet multiplicateur du crédit.

L'effet multiplicateur du crédit

Soit x le taux de réserves obligatoire.
Soit d une somme d'argent que nous allons mettre dans un compte de dépôt à vue.

Actuellement x = 2% en Europe. (notez que 2% = 0,02)

Un dépôt à vue de d, génère un crédit de (1-x)d, qui va donc faire un dépôt dans une autre banque.

Un dépôt à vue de (1-x)d, génère un crédit de (1-x)²d, qui va donc faire un dépôt dans une autre banque.

Un dépôt à vue de (1-x)^n.d, génère un crédit de (1-x)^(n+1).d, qui va donc faire un dépôt dans une autre banque.

Les dépôts successifs sont donc dn = (1-x)^n.d

Il s'agit d'une suite géométrique de raison (1-x), dont la somme est majorée par sa limite d/(1-(1-x)) =  d/x

Un dépôt d générera moins de d/x

Effet multiplicateur du crédit sur la masse monétaire

Soit Mréel la masse de "vraie" monnaie, et Mperçu la masse vue par l'économie au travers des crédits successifs.

Alors Mperçu = 1/x Mréel
Et Mréel = x Mperçu

Actuellement, en Europe, Mperçu = 50 Mréel

Et Mréel = 2% Mperçu

Or chaque euro créé par la BCE, rentre dans le système en tant que "réel". Ils sont automatiquement multipliés par l'effet multiplicateur du crédit décrit ci-dessus.

Pour que le Mperçu augmente d'un certain pourcentage, il suffit d'augmenter du même pourcentage le Mréel.

Or le Mréel, c'est justement les réserves obligatoires ! (Mréel = x Mperçu)

Il suffit donc de rémunérer les réserves obligatoires, pour que la masse monétaire globale augmente du même pourcentage, et induise l'inflation nécessaire.

C'est beau !

Questions subsidiaires

Et l'argent qui part à l'étranger me direz-vous ? Inutile de le rémunérer, puisqu'il n'intervient plus dans la fixation des prix dans la zone euro.

Et les dépôts à long terme ? C'est pareil ; il n'interviennent plus dans la fixation des prix dans la zone euro, sauf si la personne à qui ils sont prêtés, les dépose sur un compte courant. C'est au moment de ce dernier dépôt qu'ils sont pris en compte.

La création monétaire a été privatisée ? Non. Seule la banque centrale crée de la monnaie. L'effet multiplicateur du crédit est une illusion de création, car en face de chaque euro apparemment créé, il y un emprunt. Si on fait la somme des euros apparents et des crédits, on retombe sur la quantité d'euros réels. Il faut comprendre que cet effet est limité (50 fois les euros réels). Même si cette limite paraît haute, les banques ne peuvent pas la dépasser. Mais surtout, nous sommes en permanence proche de cette limite, ce qui annule l'apparent pouvoir de création monétaire des banques que certains leur prêtent, car la monnaie va de compte courant en compte courant : il n'y a plus de "création monétaire" en apparence avec la monnaie qui a déjà été multipliée.

Mais la monnaie est scripturale ? Cela signifie simplement que l'argent n'est pas matérialisé par des billets et des pièces, mais par des nombres écrits auparavant sur des cahiers, et maintenant dans des ordinateurs. Les échanges d'argent entre banques qui sont des échanges de nombres sont scrupuleusement contrôlés par les banques centrales nationales et la BCE. A aucun moment, les banques ne peuvent prêter l'argent qu'elles n'ont pas. Pour accorder un prêt, il y a toujours un temps d'acceptation du crédit. Il est entre autre fait pour que la banque vérifie qu'elle a les fonds pour prêter. De même, tout retrait important d'un compte courant est soumis à une semaine de délai, entre autre pour que la banque puisse prendre ses dispositions (par exemple emprunter, refuser des crédits). Les banques n'ont aucun intérêt à tricher, car elles feraient écrouler le système économique sur lequel elles reposent.

Et donc les banques accumulent sans cesse plus d'argent ? Ce serait vrai si les banques étaient des machines. En réalité, les banques sont gérés par des banquiers et des employés. Ils ont besoin de manger, de dormir dans une maison et de se déplacer. La concurrence entre banque est censé optimiser les coûts des crédits. Les français ont certainement des difficultés à faire jouer cette concurrence, mais ce n'est pas le rôle de la BCE d'y faire quelque chose. Il faut éduquer la population. Quand il y a une accumulation d'argent perçu comme injuste dans une catégorie de métier, le gouvernement peut aussi mettre en place des impôts et réguler certains prix. Mais ce n'est sûrement pas un gouvernement de droite qui va chercher à empêcher ce genre d'accumulations.

Est-il vraiment juste de rémunérer les banques au travers des réserves obligatoires ? Le but de ce système était d'empêcher les rentiers de garder leur argent en sommeil dans leurs bas de laine. En France, les comptes courants ne sont pas tous rémunérés, ce qui est une contradiction avec le but de cette rémunération. Par contre, rien n'empêche une partie de cette rémunération de servir à un revenu universel. En contrepartie, il faudra s'attendre à une augmentation des frais bancaires.

Voici les documents de la banque de France sur la quantité de réserves obligatoires en France et en Europe.

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