jeudi 12 juillet 2012

Les lacunes du traité de stabilité européen

Les économistes, même les plus libéraux ont des notions qui identifient des situations de concurrence déloyales. Le rôle des instances européennes (conseil européen, parlement européen) est d'ailleurs de réguler et préserver cette concurrence.

Le traité européen de stabilité traite les problèmes de l'Europe par le bas.

Si tous les pays ont le même niveau de taxation sauf un qui est au dessus des autres : il semble normal et juste que ce pays rectifie ses impôts afin qu'il soit au même niveau que les autres. Jusque là tout va bien.

Oui, mais imaginons l'inverse : un pays qui baisse drastiquement  son niveau d'imposition dans un domaine de l'économie... Que se passe-t-il ?

Ce pays va attirer à lui toute l'activité de ce domaine tout en privant ses partenaires européens d'une source de fiscalité. Ce dumping parasitaire est très dommageable pour l'ensemble de l'Europe, mais très profitable pour le pays qui pratique ce dumping fiscale : il a plus d'activité et collecte plus d'impôts au niveau de l'Etat car il concentre toute l'activité européenne sur son territoire, mais au niveau européen largement moins de taxes sont prélevées.

Mais au lieu d'impôts imaginez qu'il s'agisse du coût de la main d'œuvre. Il y a là aussi  moyen de faire du dumping à outrance.

Car le problème de l'Europe n'est pas uniquement le fait que les états dépensent trop ; c'est aussi que chaque état pratique son petit dumping fiscale dans son coin, privant tous ses partenaires d'une source de taxation. En fin de compte, ce dumping généralisé et croisé entraîne l'Europe par le fond.

  • Royaume-Uni : fiscalité des banques extrêmement basse. Paradis fiscaux dans le common wealth
  • Irlande : fiscalité extrêmement basse pour les sociétés informatiques
  • Luxembourg : fiscalité basse pour les sociétés ayant une activité extra européenne. fiscalité basse pour les sociétés propriétaires d'immobilier.
  • Allemagne : les travailleurs qui n'ont pas de syndicat historiquement fort n'ont pas de salaire minimum. Les lois sur les allocations chômage obligent (théoriquement) les allemands à accepter du travail qui ne rembourse pas leurs frais de déplacement.

Le traité européen de stabilité est là pour dire à tel état qu'il dépense trop, qu'il taxe trop ou qu'il régule trop (le travail, la finance, l'écologie, etc). Mais à aucun moment il ne va dire que tel autre état pratique un dumping fiscale scandaleux.

La vérité est que l'Allemagne était déjà trop compétitive en 2003, mais qu'elle a instauré une série de réformes sur l'assurance chômage la rendant encore plus compétitive, beaucoup trop compétitive. Et vous voulez que les autres pays courent après ça ?

En 2002 la City de Londres gérait 10% des fonds d'investissement européens. En 2007 elle en gère 80%.

L'Allemagne est le pays européen qui a la balance commerciale la plus positive. Mais regardez mieux, sa balance avec la Chine est négative. L'Allemagne est surtout positive avec tous ses partenaires européens. La compétitivité allemande met en péril tous les autres pays.

A l'époque où chaque pays avait sa propre monnaie dont il contrôlait le taux de change, chaque pays avait la possibilité de dévaluer sa monnaie pour redevenir compétitif par rapport aux autres pays. Mais si tous les pays dévaluaient leurs monnaies en même temps, ils se retrouvaient tous au même niveau.

Nous sommes maintenant exactement dans la même situation, mais au niveau des dépenses publiques : le but d'une cure d'austérité est de rendre un pays plus compétitif par rapport aux autres pays européens (ne nous leurrons pas, il est impossible d'être aussi compétitif qu'un enfant leucémique chinois ou indien !), en attirant plus d'investissement sur son territoire. Et donc son effet est le même qu'une dévaluation de la monnaie. Si tous les pays appliquent une cure d'austérité en même temps, tous les pays se retrouvent au même niveau.